Ecole inclusive en Italie
Arma di Taggia — février 2018
L’établissement «ISTITUTO COMPRENSIVO PASTONCHI» se trouve à Arma di Taggia et accueille des élèves de la Maternelle à la classe de Quatrième du Collège ; c’est-à-dire l’École complète.
Nous avons été accueillis le mardi 20 février à 8h30 par la Responsable Générale de l’Institut pour les élèves Handicapés Madame Daniela Breggion avec ses adjointes Mme Monica Calmarini (Professeur des écoles) et Mme Sonja Ferrero psychologue pour l’école primaire. Elles nous ont conduits dans le bureau de Mme la « Preside » ou « Dirigente scolastico » (c’est-à-dire Principale de l’établissement), Mme Anna Maria Fogliarini qui dirige, d’ailleurs 3 autres établissements répartis sur San Remo, Impéria et Gênes, faisant d’elle une « super manager » d’école en Italie, d’après la presse Italienne.
Nous étions attendus avec beaucoup de sympathie et d’enthousiasme pour cette première expérience de rencontres et d’échanges.
Le programme adressé quelques jours auparavant était le suivant :
8h30 Accueil et présentation du système scolaire relatif aux élèves présentant un handicap.
Références à la Loi 104⁄1992 et au décret législatif 66⁄2017.
Prise en main et analyse des documents P.E.I (Plan Éducatif Personnalisé pour élèves handicapés) et P.D.P. (Plan Didactique pour élèves DSA-difficultés lecture et écriture)
Visite dans les salles pour une démo des activités avec les élèves :
10h Rencontre avec C. S. 10 ans (autiste) 5ème année école primaire-laboratoire Italien-dictée et lecture.
10h30 V. M. 6 ans (autisme niveau élevé) 1ère année école primaire-année de transition avec école maternelle-activité de musique avec la LIM (poésie chantée en petits groupes)
11h B. R. 12 ans –syndrome nerveux dégénératif-activité d’art avec la coopération des copains de cours.
11h30 S. D. 12 ans (syndrome de Down)- 2ième année école secondaire-activité en langue italienne.
Échange d’idée et d’opinions sur les problématiques et impressions sur les activités visitées.
13h Repas offert par l’école au restaurant « La Darsena » à Arma di Taggia
Le système scolaire Italien et français présente des similitudes du fait de l’obligation scolaire identique jusqu’à 16 ans avec, néanmoins, une différence de durée de cycle pour le secondaire :
Une École maternelle de 3 à 5 ans
Une École primaire de 6 à 10 ans
Le collège sur trois années de 11 à 14 ans jusqu’à la quatrième.
La classe de troisième étant la première année du lycée de 14 à 19 ans jusqu’au Bac (dit la Maturità : examen de maturité).
Ou École professionnelle sur 4 ans.
Lignes directrices de l’École de Arma « Istituto Comprensivo » pour les BEP : Besoins Éducatifs Particuliers.
Dans ce système scolaire éducatif et pédagogique, le problème du handicap scolaire est abordé sur le principe de l’inclusion scolaire depuis 1977 : il n’y a plus d’établissements spécialisés (sauf quelques exceptions particulières pour des complémentarités thérapeutiques en dehors du champ scolaire).
Il s’agit donc d’une organisation prenant en compte le concept des élèves à Besoins Éducatifs Particuliers (BEP) s’appuyant sur une conception de la personne perçue dans sa globalité et définie par l’OMS qui, en 2002, a développé un outil permettant un diagnostic pour décrire et mesurer le fonctionnement de la personne, notamment son état de santé à travers un langage médical commun.
Il s’agit de garantir, ici, à Arma, une pleine participation à la vie scolaire de tous les enfants et de créer un environnement pouvant contribuer à leur valorisation avec le même enseignement.
La directive du 27 décembre 2012 « Moyens d’intervention pour les enfants avec des besoins éducatifs particuliers et organisations territoriales pour l’inclusion scolaire » commande une stratégie inclusive visant à promouvoir le droit à l’apprentissage pour tous les enfants qui ont des difficultés.
Un enfant est considéré comme BEP pour toute : « difficulté évolutive, au niveau éducatif, qui se manifeste avec un fonctionnement problématique même pour le sujet, en termes de dommages, obstacles et stigmatisation sociale, et qui requière une éducation particulière et individualisée » ;
Un BEP est une difficulté qui se manifeste au niveau de l’éducation et de l’apprentissage, en entravant les relations éducatives, le développement des compétences, les apprentissages scolaires et de la vie quotidienne, en plus de la participation à la vie sociale.
Il s’agit donc d’analyser précisément la situation de l’enfant avec des critères objectifs en évaluant le malaise vécu par l’enfant et le dommage qu’il peut produire sur les autres en fonction de son état physique, psychologique ou relationnel :
- est-ce que le handicap de l’enfant a un effet négatif sur le groupe des pairs ?
- Est-ce que l’enfant s’isole ? Renonce aux expériences didactiques ou relationnelles ou bien s’inflige des mutilations ?
Ensuite, il faut comprendre si les difficultés vécues par l’enfant vont le conditionner au niveau cognitif, social, relationnel et émotif :
— Est-il bloqué dans certaines situations, en empêchant la poursuite de son parcours
didactique et le plaisir des expériences ?
Pour autant, il y a des situations ne permettant pas de mettre en évidence la présence d’un obstacle au fonctionnement éducatif de l’enfant, d’où la nécessité de considérer s’il y a des cas de stigmatisation dans le champ social.
- Est-ce que l’enfant dégrade sa propre image sociale ? Appartient-il à une catégorie sociale défavorisée ?
Cette orientation résulte des directives ministérielles et des moyens accordés. Ci-dessous déclinaison des BES
Ce tableau met en évidence les différentes invalidités ou différents handicaps nécessitant ou non un « insegnante di sostegno » (enseignant de soutien ou non) selon la situation de l’élève avec un handicap sévère ou moins sévère.
Pour autant, les équipes pédagogique et médicale réévaluent automatiquement la situation du jeune en terme de diagnostic à chaque passage de la maternelle vers le primaire et du primaire vers le collège.
Au collège, 15 élèves sont actuellement reconnus en situation de handicap, accompagnés par 5 enseignants spécialisés dont 3 sont titulaires.
La responsabilité de la classe est équitablement partagée entre l’enseignant titulaire de la classe et l’enseignant spécialisé (de soutien, sostegno).
Dans le cas d’absence d’un enseignant, le remplacement est assuré par l’un ou l’autre enseignant…
La pratique du sport est nécessaire et incontournable, il s’agit de sport adapté, gratuit pour les jeunes handicapés comme l’impose la Loi 104.
Ces dispositifs structurés depuis la loi de 1977 n’atténuent pas la difficulté, constatée par les enseignants, encore aujourd’hui et peut-être plus qu’au début de cette réforme, de travailler en classe avec ces problèmes d’invalidité et autres.
L’état Italien a procuré des moyens estimés insuffisants par les enseignants d’autant plus que ce sont les municipalités qui apportent leur contribution pour payer des auxiliaires chargés d’assurer ces soutiens à hauteur de 22h pour les cas graves, sinon limités à 15h.
Ces dispositifs coûtant chers pour l’état et les institutions administratives régionales, la demande de prise en charge « invalidité grave », est alors scrupuleusement analysée et de fait pour cause financière difficilement accordée.
Par exemple pour les cas de mal voyance ou non voyance, la mise à disposition d’un ordinateur clavier braille plus le soutien d’un auxiliaire sur 10 à 12h et le professeur de soutien sur 18h, font l’objet d’âpres discussions. Sur la ville de Gênes, c’est l’institut Chiossone qui accueille les élèves non voyants de la province d’Imperia couvrant la région depuis Vintimille.
Pour les handicaps auditifs, peu de jeunes sourds utilisent la langue des signes, les projets linguistiques sont davantage audio-phonatoire. La pédagogie est conçue avec des dessins adaptés.
Ces différentes situations de handicap sont traitées par une équipe médicale avec le concours des psychologues pour tenter d’aboutir à une réhabilitation suite à l’évaluation qui prend en compte les difficultés sociales dans le cadre d’une politique de prévention qui s’appuie sur la Loi de 1977 qui exige le renouvellement des pratiques pédagogiques adaptées à la situation de handicap imposant des médecins plus spécialisés.
La question économique demeure au centre de cette approche des différentes pratiques.
Au lycée, l’élève handicapé peut obtenir, à l’issue du cursus, un certificat d’étude secondaire si échec à « l’esame di maturità » (bac). Le soutien y est maintenu, et pour l’emploi dans la vie active, la Loi 104 et la Loi 68 facilitent l’insertion et l’inclusion pour le travail.
Les aides économiques sont prévues pour les jeunes handicapés avec un contrat de formation financé par la Commune qui aide le stagiaire avec un revenu de 155€ par mois.
Pour revenir aux aides pour les cas les plus graves, le nombre d’heures prises en charge se situe en moyenne à hauteur de 40h en primaire et de 30h au collège.
La pédagogie scolaire ou pour la formation professionnelle s’appuie sur l’apprentissage coopératif avec des séquences par petits groupes dans une salle adjacente afin d’aider à la consolidation et au lien avec le groupe classe.
Enfin l’aide aux familles se concrétise avec une aide pécuniaire à hauteur de 280€ par mois durant la période scolaire de la rentrée du 15 septembre au 15 juin, sortie des classes pour les vacances du 15⁄06 au 15÷09…
L’ensemble du dispositif mis en place par les Lois depuis 1977,impose une vraie inclusion dans les établissements du premier et second degré tout en nécessitant, au cours du parcours global de l’élève handicapé, des complémentarités médicales et pédagogiques actuellement en difficultés économiques qui déstabilisent parfois l’esprit de cette réforme de 1977.
Traduction :
L’Inclusion scolaire invite à raisonner dans les termes de « normalité spéciale » c’est-à-dire la volonté de rendre les contextes scolaires en capacité de faire front à la complexité des besoins éducatifs spéciaux. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’abord d’entreprendre les actions plus proches de la normalité, enrichissant l’offre de la formation ordinaire, et seulement ensuite, introduire des ressources toujours plus techniques et spécifiques relatives aux situations individuelles des élèves avec des besoins éducatifs spéciaux. Les relations et les personnes, les occasions et les activités « normales » sont associées afin de répondre aux besoins d’identité et d’appartenance des élèves selon leur potentiel ou s’ils présentent des difficultés. En ce sens, il est fondamental d’activer la coresponsabilité éducative de tous les enseignants et particulièrement de l’enseignant spécialisé pour le soutien dont le travail compétent et spécial sert à rendre compétents et spéciaux les contextes de la normalité éducative et didactique.
La visite des classes a permis d’observer différentes séquences classes mettant en action les cas proposés par l’équipe éducative et pédagogique :
1/avec l’enfant autiste S. (10 ans) en situation jeu expression orale, récitation devant le groupe classe rassemblée en spectateur pour S. à l’aise et se prêtant au jeu afin de se mettre en évidence devant nous et ses camarades. Applaudi, acclamé, il a remercié et souhaité faire notre guide tout au long de la visite.
L’équipe nous a fait part de sa satisfaction de le voir progresser et prendre confiance en lui.
2/avec l’enfant M. (6 ans) en CP pour une poésie chantée par la classe, à l’aise et heureux de cet exercice apprécié par ses camarades.
3/En classe de cinquième avec R. (12 ans) touché par le syndrome nerveux dégénératifs, en activité d’art avec la coopération des camarades de cours. Cas lourd, difficile mais remarquable par la disponibilité et la générosité de la classe, son groupe l’a aidé à réaliser un portrait animal par collage papiers couleurs qu’ils nous ont offert en souvenir.
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Le bilan de cette rencontre est évidemment positif. Cette journée nous comble non seulement par un accueil chaleureux et agréable mais surtout par ces échanges qui nous ont présenté une approche différente de l’inclusion qui mérite respect et considération.
S’agissant d’une vraie inclusion scolaire plus concrète que dans notre système scolaire français tout en nous laissant encore perplexes quant aux différentes problématiques notamment sur les problèmes de compensation pour les non voyants ou enfants sourds dont nous n’avons pas eu d’exemples sur cet établissement. Pour autant, cet échange se poursuivra au mois de mai lors de la réception prévue à la Valette de l’équipe de l’ISTITUTO COMPRENSIVO. Le plaisir de se retrouver, à coup sûr avec émotion, de bien les accueillir et de compléter nos connaissances et nos approches.
Nous avons ouvert une page qui marque le début d’une coopération pour contribuer à bâtir l’Europe à travers une amitié franco italienne qui ne peut que nous donner à penser et à transmettre pour innover.
L’analyse des responsables des services varois
Extrait de la relation italienne par Riviera.it
et à travers le Var — mai 2018
L’équipe du SMS, directrice et chefs de service, a accueilli avec le Président de notre AD et les membres de la Commission communication, nos amies italiennes de l’Istituto Pastonchi : la Directrice Anna Maria Fogliani, la vice directrice Monica Calmarini, la coordinatrice des activités d’inclusion scolaire Daniela Breggion et les enseignantes Sonia Ferrero et Valentina Lantrua.
Le Président Dominique Quinchon a prononcé une allocution de bienvenue mettant en évidence l’intérêt de cet échange répondant à la visite de notre équipe du SMS et du Conseil d’administration à Arma di Taggia le 20 février dernier dans le cadre du Projet Fédéral défini lors des dernières Rencontre PEP de Paris, les 14 et 15 décembre 2017, dont le thème était : « Agir pour une société solidaire et inclusive en Europe ». Aussi, c’est dans cet esprit que s’inscrivent ces deux échanges réciproques afin de partager et d’examiner nos pratiques concernant « l’éducation des jeunes en situation de handicap ». Deux visions différentes dans la forme mais avec un fond commun de « volonté d’inclure ces jeunes dans nos sociétés respectives de leur donner et de leur transmettre tous les atouts pour leur réussite éducative à laquelle ils aspirent comme tout un chacun, de favoriser leur accès aux droits communs : la santé, la formation, la culture et tant d’autres apports dont bénéficient les personnes dites ordinaires. » D’où cet échange revêt une grande importance en nous permettant « de questionner nos valeurs, de conforter nos finalités, de valoriser les compétences de nos professionnels, d’enrichir nos réflexions au sein du conseil d’administration, de dynamiser notre vie associative autour du cœur de notre Projet : Agir pour une Société Solidaire et Inclusive en France et en Europe. C’est un défi que nous souhaitons relever ensemble. »
Après cet accueil chaleureux, l’équipe a visité avec les professionnels les installations du SAAAS et du SSFES permettant quelques échanges fructueux grâce à l’interprétariat de notre collègue administrateur.
Nous nous sommes ensuite rendus à l’école maternelle Gensollen de la Farlède afin d’assister à une séquence de travail avec les 7 élèves en regroupement déficients auditifs (SSEFS-SAFEP JP Rameau) où les échanges avec la directrice de l’école et des professionnels du SSEFS-SAFEP (enseignant spécialisé, orthophoniste, psychomotricienne) ont été riches et pertinents.
La pause permettait de réunir l’ensemble des participants pour un repas convivial
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L’après-midi, c’est au Muy que se sont poursuivis ces échanges avec des professionnels du SAAAS-SAFEP (service déficient visuel) : une orthoptiste, une instructrice en locomotion et une psychologue. Ensuite nous avons assisté à une séquence de travail du Groupe sportif avec 5 enfants du SESSAD Madeleine Lemaire animés par un éducateur spécialisé et une psychomotricienne du service. Enfin, un dernier échange en salle avec la neuropsychologue du SESSAD et la Directrice.
Une journée bien remplie, chargée d’émotion et d’amitié au fur et à mesure des échanges, des réflexions sur nos pratiques et sur l’inclusion que nous souhaitons mettre en place dans notre pays. « Inclusion scolaire » en vigueur en Italie depuis 1977 dans l’esprit rappelé ci-dessous dans le Projet d’établissement de l’Istituto Pastonchi : Traduction : « L’Inclusion scolaire invite à raisonner dans les termes de « normalité spéciale » c’est-à-dire la volonté de rendre les contextes scolaires en capacité de faire front à la complexité des besoins éducatifs spéciaux. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’abord d’entreprendre les actions plus proches de la normalité, enrichissant l’offre de la formation ordinaire, et seulement ensuite, introduire des ressources toujours plus techniques et spécifiques relatives aux situations individuelles des élèves avec des besoins éducatifs spéciaux. Les relations et les personnes, les occasions et les activités « normales » sont associées afin de répondre aux besoins d’identité et d’appartenance des élèves selon leur potentiel ou s’ils présentent des difficultés. En ce sens, il est fondamental d’activer la coresponsabilité éducative de tous les enseignants et particulièrement de l’enseignant spécialisé pour le soutien dont le travail compétent et spécial sert à rendre compétents et spéciaux les contextes de la normalité éducative et didactique. » Une inclusion scolaire actuellement plus concrète que dans notre système scolaire français tout en suscitant encore des interrogations notamment sur les problèmes de compensation pour les non voyants ou enfants sourds. Pour autant cette rencontre du 22 mai répondait à notre visite du 20 février avec le bonheur de se retrouver en les accueillant avec plaisir et de compléter, réciproquement, nos connaissances, nos pratiques et nos approches. Nous avions ouvert une page au mois de février, nous l’avons enrichie et confortée en marquant définitivement le début d’une coopération pour contribuer à bâtir l’Europe à travers une amitié franco-italienne qui ne peut que nous donner à penser et à transmettre pour innover, en espérant que nos rencontres ouvrent la voie pour des échanges avec les familles et les jeunes que nous accompagnons dans leur projet de vie.
NB :un article de presse locale relate cette visite.